Chaosphere

Lundi 16 mai 2011 à 21:03

   Je ne veux pas retourner en pleine "nature". La nature et moi, pourtant, nous sommes des amies - mais ce n'est pas la "nature", ces forêts verdoyantes, ses forces et ses beautés. Oui, je suis bel et bien païenne. Oui, même si j'habite en "ruro-urbanité" (gros bourg normand, différent de la ville mais urbain tout de même - il l'était déjà à l'époque moderne, dixit l'un de mes profs), je n'ai pas envie de passer au "rural". Je n'ai jamais été aussi bien qu'à Strasbourg, perdue en plein milieu d'une ville dont l'esprit, le genius loci, m'a parfois consolé et m'a parfois soulagé de mes douleurs. 

   http://chaosphere.cowblog.fr/images/CaenEveningbySilberius.jpgPause.

   Genius loci.

   Rome et ses atours ... L'Empire, ses esprits et ses Dieux ne cessent de s'ajouter à ces mystères nordiques. Allons donc, continuons sur ma lancée !

   Je suis une païenne urbaine, technologique, une païenne qui marche sur le bitume et qui respire l'air pollué. J'aime la ville. J'aime me promener là où cent, mille, deux mille hommes ont déjà marché avant moi. La ville est un coeur d'âmes, parfois en peine, parfois joyeuses, qui se retrouvent entre des murs de pierre, de verre et de béton, aux quatre coins d'une histoire qui se répand sur ses bâtiments.

   Je n'ai pas honte de marcher les écouteurs vissés sur les oreilles, au son d'une musique loin d'être "naturelle". Mais qu'est-ce qui est naturel ? Qu'est-ce qui est artificiel ? Il est idiot de vouloir tout couper de la nature. Il y a un magnifique article à ce sujet sur Therioshamanism, le blog de Lupa, une shaman américaine. Si vous ne la connaissez pas, je vous invite chaleureusement à aller lire son blog, qui est ne véritable perle. Bref. Dans un de ses articles, elle parle de la différence entre l'artificiel et le naturel et en quoi considérer les choses crées par l'homme et l'homme de façon générale comme étant en dehors de la nature prend à contre-pied l'idée de réintégration à la nature. Parce que nous faisons partie de la nature.

   Même en ville, nous sommes en pleine nature. 

   Même entre le béton, le verre et l'acier, sur le bitume et entre les pierres. Nous sommes en pleine nature. J'admire, j'honore, je vis dans cette nature chaque jour. L'énergie de la ville n'est pas la même que l'énergie de la campagne ... mais la campagne est tout aussi marquée par la présence humaine que la ville, ne l'oublions pas. Tout comme l'énergie de la montagne sauvage n'est pas l'énergie de la plage, et je pourrais continuer ainsi pendant des jours. L'énergie de la ville est particulière. Elle dépend des quartiers, des villes, même. Elle est parfois trépidante, insoutenable pour certains (je ne pourrais pas vivre à Paris, son énergie m'écrase littéralement), peuplée par des esprits et par son genius loci, peuplée par les hommes, les animaux et la végétation urbain.

   J'ai parfois l'impression que les Dieux que je vénère ont une certaine affection pour ces énergies trépidantes, pour ces hommes réunis ensembles. Surtout Loki, ce grand farceur, cet étrange trickster, ne peut qu'aimer ces réunions d'hommes pouvant mener à d'étranges réunions, d'étranges débordements, d'étrange création. Hel est présente aux côtés de ceux qui meurent sur leur lit, dans les hôpitaux et dans leur maison, leur appartement, dans le sommeil de la vieillesse ou dans la maladie, où qu'ils soient. Lucifer est cette lumière à travers les ténèbres, cette énergie créatrice qui rage et qui hurle, ce lampadaire allumé en pleine nuit nous guidant dans la rue.

   Je crois que je n'aimerai pas habiter en campagne, sincèrement. Et pourtant, je reste païenne. Une païenne ruro-urbaine, cherchant à s'installer en ville - parce que j'aime les rues et le bitume, j'aime les énergies particulières de ces endroits, j'aime l'esprit des villes. En tout cas, j'ai aimé l'esprit de Strasbourg, et celui de Caen a fait preuve d'une force que j'admire et respecte.

   Le paganisme ne se trouve pas qu'en montagne, en campagne, en forêt. Il se trouve aussi en ville. Ces villes que certains détestent, que d'autres ignorent. Les Dieux sont partout - les esprits aussi. J'aime la ville avec mon coeur de païenne.
 

Jeudi 31 mars 2011 à 18:55

             How long was I alseep?
             When did we plan to meet?
             Have you been waiting long for me?
             When did the sky turn black?
             Do you still want me back?
             I'll pick it all up piece by piece.
             The Wheel - Rosanne Cash

   J'ai fini de remettre en place mon autel ce matin. Il manque encore quelques détails (deux représentations "réclamées" et une représentation "oh bah oui non, fait ce que tu veux" ... Lucifer et Höder ont confirmés qu'ils voulaient une représentation, et Loki ? Loki, bah ... C'est Loki *soupir* toujours le même), mais autrement, il est parfait. Et le pire ? Je ne sais pas combien de temps il restera en place. Tout dépend de si ma chérie réussi à trouver du travail dans la région ! (parce que si c'est le cas, j'emménage avec elle :))

   Bref, voici les photos du nouvel autel :

http://chaosphere.cowblog.fr/images/DSC00308.jpg

http://chaosphere.cowblog.fr/images/DSC00309.jpg

http://chaosphere.cowblog.fr/images/DSC00310.jpg
http://chaosphere.cowblog.fr/images/DSC00312.jpg

   Et ... Et oui. Lucifer. Vous avez bien lu. Moi qui me consacrait jusqu'à alors presque exclusivement aux Dieux du Nord (une ou deux escapades par-ci, par là, sans qu'elles soient réellement signifiantes pour mon parcours au final), voilà qu'un Dieu romain me tombe sur le coin du nez. Sincèrement ? Non, je ne m'y attendais pas, oui, cela m'a réellement surprise. Et ... à dire vrai, je ne l'ai vraiment identifié qu'il y a deux jours - en effet, si j'avais le bon nom, je n'avais pas la bonne "identité", et monsieur n'était pas très conciliant jusqu'alors. Par contre, à partir du moment où ça à fait "tilt" ...

   Je ne connais pas très bien Lucifer. Non, sincèrement. Et malheureusement, il y a peu de choses à son sujet, même en tentant de passer par son équivalent grec Phosphorus ! J'ai quelques "sensations" en ce qui le concerne : du vert, beaucoup de vert, mais aussi du doré, un peu d'orange, une très belle lumière et des ailes, parfois blanches, parfois noires. Pour tout avouer, il y a quelque chose que je trouve ... réellement magnifique chez lui <3 j'ai bientôt fini les perles de prières qui lui sont dédiées (en perles de verre et perles de rocaille).

   De ce que j'ai compris, il voudrait que je me focalise sur la créativité ... argh ? à dire vrai, je suis réellement perdue quant à savoir pourquoi il est là. Je suppose que cela s'améliorera au fur et à mesure de ma relation avec lui, mais ... tout de même, je suis fort confuse !

   (d'ailleurs, fait amusant : depuis quelque jours, c'est le nom de Diane qui revient sans cesse ... Diane, Diane, Diane ? Encore une Romaine ? Hmmmm ...)
 

Mercredi 23 février 2011 à 19:55

Personne ne m'a demandé
D'où je viens et où je vais
Vous qui le savez,
Effacez mon passage.
[ La complainte du partisan - Emmanuel d'Astier et Anna Marly ]

http://chaosphere.cowblog.fr/images/ancestorsbyTheNightSheDied.jpg   Réflexion faite suite à ceci et cela - je suis régulièrement le premier blog, je viens de découvrir le second par le biais du premier. Deux blogs anglais de qualité ! N'hésitez surtout pas à aller les lire ! :)

   Et puis, il y a aussi un peu mes derniers cours. Actuellement dans mon second semestre, en licence 1 d'Histoire, à Caen, j'ai pris comme option le cours consacré à la Seconde Guerre Mondiale. Je vis en Normandie, j'ai mes racines en Normandie (un peu dans le Nord, aussi), surtout et essentiellement dans le Calvados (où je vis actuellement et où se trouve Caen pour ceux qui ne savent pas :P), ma fac a un pôle entièrement spécialisé sur la question (dont mes deux professeurs font partis, l'une étant spécialisée dans la relation entre occupants et occupés en France), l'histoire de ma famille est marquée par ces évènements de façon très forte, comme pour la plupart des familles originaires de la région, à des degrés divers. Et ce matin, nous avons parlés du million de soldats qui furent envoyés en camp de prisonnier en Allemagne suite à la défaite de juin 1940. Dans ces soldats ? Mon arrière-grand-père, instituteur. J'ai pensé à lui. J'ai parlé de lui à certains de mes camarades, avec le sourire - parce que je le vois sur les photos, en plein hiver, avec ses lunettes, ses camarades. Oui, nous avons la chance d'avoir des photos - il avait avec lui un appareil photo, jusqu'à ce qu'il soit renvoyé à mon arrière-grand-mère, en 1942 (ma grand-mère doit conserver quelque part le papier qui l'accompagnait). Et puis, il y a cette photo de lui avec tout son attirail d'instituteur, dans sa salle de classe ...

   Depuis quelques temps, j'ai le besoin de réinstaller un autel. Je ne l'ai pas encore fait. Pourquoi ? ... Parce que je ne sais pas où je pourrais le mettre. Hmmm, oui, j'ai une grande chambre, sauf que l'ancienne place de mon autel, sur une de mes commodes, ne me convenait pas. Trop proche de la porte. Depuis Strasbourg, mon autel "principal" est stocké dans une boîte, installée dans ma bibliothèque. La plaque dédiée à ma Reine, la sculpture représentant Iörmungand (il m'a fallu un peu de temps avant de comprendre que c'était Lui ...), les bidouilles diverses et variées (noeuds coulants, bol d'offrande artisanal de Thaïlande, pierres ..), tout ceci est pur l'instant stocké et sorti uniquement quand j'en ai besoin. Et puis ... Il y a autre chose.

   Cet autre chose ? Le besoin d'installer un autel pour les Ancêtres. De façon général. Ceux de mon sang et ceux que je désire honorer, les figures passées qui m'inspirent et à qui je veux rendre hommage. Voilà le lien. Le lien entre ce cours d'histoire, où est remonté le souvenir de cette silhouette - revenu ? Non, pas réellement, car il est toujours présent -, et l'autel sacré. Hel est la Déesse des Morts, n'est-ce pas ? Alors, pourquoi ne me suis-je pas penchée sur le culte des Ancêtres avant ? Parce que je n'en ressentais pas le besoin. Je me contentais de l'Histoire, des histoires de l'Histoire, et c'était bien. C'était tout. Mais j'ai de plus en plus ce besoin, cette envie de leur rendre hommage. Sur mon bureau, actuellement, il y a une photo de mon grand-père - cette photo, tout le monde dans la famille l'a reçue après son enterrement. Une photo où il était pleinement lui-même, souriant, comme on le connaissait tous. Et puis devant, il y a cette statuette, un cadeau de Wilwarin - une fée, penchée sur un livre, en prière, entourée d'un dragon, sur laquelle j'ai déposé les perles de prières que j'ai réalisée pour Hel (celles avec lesquelles je voyage ayant été faite par une amie). Et j'ai eu ce sentiment prenant d'une harmonie disharmonieuse. Leur place n'est pas là. Pas sur cette étagère sur laquelle s'entasse mes souvenirs, dessins et figurines auxquels j'attache une importance. Leur place est sur un autel. Sacré.

   Alors je réfléchis. Je réfléchis beaucoup - ça me prend parfois à la gorge de ne pas savoir faire taire mon esprit, et l'Esprit Déchu aime à en rire (Esprit Déchu ? ... Il dit que non, il n'est pas l'Ange Mutilé. Je ne te connais pas. Ou si. Je te connais ? Sans te connaître ... Tu ris. Tu aimes rire, n'est-ce pas ? ... Un Esprit Déchu. Je te connaîtrai. Je te connais déjà. Je sais sans savoir).  Comment ? Où ? J'en ai besoin, mais je ne sais pas comment. J'ai cette table qui sert sans servir - sur laquelle s'entasse mes affaires, à côté de la table où s'entasse les tricots. Tricot, tricot ... Le fil qui me lit à mon arrière-grand-mère. L'un des hommages à une ancêtre.

   Les Ancêtres ? Que sont-ils, pour moi ? Mon sang et mon esprit, mon passé et mon futur. Parce qu'un homme comme mon arrière-grand-père est un modèle, pour moi, je veux l'honorer comme il se doit. Parce qu'il en va de même pour mon arrière-grand-mère, mon grand-père. Mais il y a ceux que je ne connais pas. Qui sont-ils ? Je ne sais pas. Ils sont pourtant mon sang. Et puis il y a ceux que je veux honorer et qui ne sont pourtant pas mon sang, ma chair. De façon amusante, un romancier parisien est dans ceux-là. Balzac. J'ai toujours admiré cet homme, admiré son oeuvre, aimé ses mots, malgré la première difficulté a y entrer. Alors ... en fera-t-il partie ? Oui, je pense.

   Qu'est-ce que serait un autel dédié aux Ancêtres pour moi ? Un autel mêlant les Ancêtres et ma Reine, tout d'abord : j'aurais besoin d'une représentation de Hel. Car la Mort est celle qui nous lit, qui nous lie, irrémédiablement. Il me faudrait des photos. Peut-être celle de mon arrière-grand-père à son bureau. Celle de mon grand-père, c'est certain. Celle de mon arrière-grand-mère ? Je ne sais pas laquelle ... Cette statuette, ensuite, cette fée en prière sur son livre, avec son Gardien. Les livres. Des livres. Oui, des livres ! Ceux reliés par mon arrière-grand-père. Peut-être le Père Goriot (une vieille édition, malmenée pendant ma première, que m'avait donné ma grand-mère ... Je l'adore). Il faudrait fouiller chez les bouquinistes. Et au moins un élément tricoté. Et un bougeoir. Ce serait le minimum, oui ... le minimum. Peut-être un collier de prières, et de quoi transporter certains éléments, un autel portable en somme, une "mini-version" de cet autel.

   Pas grand-chose, je sais. Peut-être pas grande réflexion pour certains, pas grand-chose d'intéressant, mais parfois, j'aime bien poser mes pensées sans réfléchir. Et elles resteront là. Je posterai à nouveau sur le sujet quand la réflexion sur l'autel sera avancée :)

 
Artwork : Ancestors par TheNightSheDied

Mercredi 29 septembre 2010 à 19:19

Shake me
Bake me
Break me
Take me where the sun don't shine

Cruise me
Choose me
Use me
Bruise me
Make me lose my mind

[ Slave Me - Scorpions ]

http://chaosphere.cowblog.fr/images/BondageMjranum.jpg
   Il existe de nombreuses choses qui me fascinent et qui peuvent me faire passer pour un être un peu dérangé, un peu moins saine que la normale. Je me suis parfois disputée à ce sujet avec certaines personnes, ça arrive. Avec d'autres, les sujets coulent. Et au final, je me rend compte que tout se lie de façon assez amusante et subtile.

   Au départ, il y a eu cette dispute avec une personne avec qui j'aimais bien parler. Quelqu'un qui trouvait insupportable et inimaginable pour une païenne de parler de soumission face aux Dieux, se considérant plus comme une vassale que comme une fille. Je suis la vassale de ma Reine. Je ne suis pas sa fille, je ne suis pas sa soeur, je ne suis que sa vassale, aimante et aimée - telle est ma relation. C'est une Reine froide mais aimante.
   Les choses se tissent, lentement. La soumission est un acte qui, dans cette relation, me parait normal et sain - qui suis-je pour défier les Dieux ? Je suis Fille de Ténèbres parce qu'Il m'a ainsi désigné, me bénissant cent fois par ce simple nom. Mais je suis au service de la Mort. Et j'ai demandée à être brûlée vive pour être purifiée par le Feu Ancien.

   Se soumettre, c'est aussi aller au devant, affirmer sa volonté et son désir sans pour autant exiger quoi que ce soit. J'ai demandé l'épreuve - l'épreuve m'a été donnée. Et c'est à ce moment là qu'Il est apparu. Lui. Fascinant. Ses yeux de braises, ses mots brûlants, son apparence aussi changeante que la vision des artistes l'ayant représenté. Le Diable en personne - Arcane XV de mon coeur. Je me souviens de ma difficulté à l'accepter dans ma vie, de ces moments passés entre difficulté à assumer et fascination qui s'exerce irrésistiblement.

   Il y a quelque temps, je m'étais penchée sur le bondage, cette pratique qui consiste à ligoter son ou sa partenaire - qu'il soit artistique ou sexuel, peu m'importe. J'y reviens, avec le sourire et cette fascination décuplée. Cette capacité à se laisser aller, à offrir sa confiance en se laissant attacher, en sachant qu'on peut n'être qu'un jouet dans les mains d'une personne, me fascine. Ce n'est pas d'attacher, qui m'intéresse, c'est d'être attacher. Comprendre comment cette soumission se joue entre la confiance et la limite. Le Diable m'a montré les chaines de la vie - celle qui se posent sur les épaules, peuvent être aussi légère qu'une plume quand le moment est venu, tandis que le fil de la destinée est plus lourd que l'amertume. Le Diable m'a montré ses esclaves ... et il m'a montré quelle était la différence entre eux et ceux qui se soumettent d'eux-même, bénissant les chaines non pas en les oubliant, mais en les chérissant comme un cadeau qu'il leur faisait. Car le Diable offre à ceux qui acceptent de l'écouter, comme il tourmente ceux qui se vautrent dans ses dons sans penser une seule seconde à ce qu'il dit. 

   Cordes, liens et soumission - quelque part, je me dis que les chemins me mènent parfois à de bien étranges découverts, à de drôles d'étoiles et de moments. 
 
Artwork : Shibari IV par Mjranum

Vendredi 23 juillet 2010 à 9:37

All that's lost never found, remains of all this...
Never crossed are the ones that see
Taken to the ground, because you're honest
Stripped and bound for your honesty

[ Your Own Reality - Paradise Lost ]

http://chaosphere.cowblog.fr/images/TheOraclebyblackeri.jpg

   Une phrase particulière me vient assez souvent. Elle se glisse dans mes textes, dans mes poèmes, dans mon esprit. Elle parait horrible, mais elle ne sonne pas mal, malsaine, horreur ou pendaison. Cette phrase a des accents légers. Peut être parce que mon esprit ne suit pas toujours le dictionnaire et qu'il préfère parfois s'en libérer (ce qui n'est pas forcément simple).

   "Je suis un monstre."
   Cette phrase, quatre mots qui s'enchainent et qui chantent. Ce n'est pas parce qu'il y a l'horreur qui me colle à la mot (même si la Mort est en permanence avec moi, si je puis dire), c'est parce qu'il y a la volonté de se démarquer. D'être autre. Aristote décrit le monstre ainsi : "Le monstre est un phénomène qui va à l’encontre de la généralité des cas mais non pas à l'encontre de la nature envisagée dans sa totalité." Etymologiquement, "monstre" pourrait aussi bien venir de "monstranum", ce qui est montré, ou "monstrum", le présage.

   Être un monstre ? Quel présage ?

   Le présage de l'unique. Normalement visible, physique, le monstre se glisse maintenant à l'intérieur de nous-même. On le prend pour le psychopathe, pour le malade dérangé. Mais nous sommes tous des monstres - nous sommes tous étranges, uniques. Nous différons tous. Mon monstre n'est pas celui qui fait couler le sang de l'autre - mon monstre fait couler son propre sang pour l'autre. Est-il aussi mal vu ? Oui, non, peut être. Il veut être différent - non pas dans l'horrible, mais dans le banal. Chuchoter au lieu de crier, chanter au lieu de hurler, hurler au lieu de parler, danser au lieu de marcher, marcher au lieu de danser. Mon monstre veut se faire apôtre du Chaos, le Chaos chantant et dansant, le Chaos courant et hurlant - celui qui change les choses sur son passage. Quand l'Ordre organise les choses et les nomme - acte nécessaire, acte volontaire -, le Chaos efface les frontières et leur donne un nouveau sens - acte vital, acte désagréable -, il attire les opposés et les mêle dans son chaudron.

   Je suis un monstre, fille du Chaos et danseuse de la Mort.
   Je suis un monstre aux chants désorganisés et aux cris de rage paisible.

   Je suis unique - et ce simple mot me rend monstrueuse, car l'unique est le tout et le tout est l'unique.
 
Illustration : The Oracle par Blackeri

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